Bonjour,
Dominikos écrit:
Le LU nous parle beaucoup de Beauté (…) Curieusement, je trouve que cette qualité n’est peut être pas celle qui ressort le plus dans l’art religieux. (…) Il est vrai que l’idée de beauté est associée à la féminité, en tous cas dans nos sociétés. Elle parait donc suspecte car embuée de désir, et donc d’instabilité.
Les déesses jouaient pourtant, on le sait, un rôle de premier plan dans le panthéon antique. Les divinités féminines primordiales au Proche-Orient et autour de la Méditerranée présentent d'ailleurs entre elles de grandes similitudes, que ce soit dans les représentations, les rites, les fonctions ou les appellations. Cela suggère une origine commune, qui pourrait être, selon certains auteurs, en rapport avec le culte d'une « Mère Universelle » répandu mondialement au paléolithique.¹
L'hindouisme, qui vénère de nombreuses femmes célestes, ne voit souvent en elles que les diverses manifestations d'une seule divinité : pour les uns Parvati,
la Femme de la montagne, le principe féminin suprême² ; pour les autres Mahâdevî,
la Grande Déesse, expression de l'Absolu, « la forme apparente du principe ultime », la génitrice « de la Nature et de l'Âme indivisible qui constituent l'Univers »³. D'ailleurs, si les membres de la Trimurti (Trinité hindoue) sont masculins, ce qui les met en mouvement c'est leur shakti
4, mot signifiant « pouvoir », « puissance », « force », mais qui est en fait l'énergie féminine, personnalisée sous la forme des déesses .
Beauté, féminité, divinité…
On remarque par exemple Sarasvatī
5, à la fois première fille et épouse du Dieu Créateur, comme l'est d'ailleurs la Maât Egyptienne
6, et qui n'est pas sans rappeler la troisième personne de la Déité, engendrée par le Père en tant qu'Esprit Conjoint. Déesse aux aptitudes innombrables, Sarasvatī évoque ainsi encore davantage la Source-Centre Troisième, décrite par le LU comme un membre de la Trinité
« provisoirement subordonné en souveraineté, mais par bien des côtés apparemment le plus doué de talents variés dans l’action » (LU 100.1).
Mais l'Inde célèbre beaucoup Dourga
7, « l'énergie de l'Absolu impersonnel », vainqueur des démons et libératrice des dieux, déesse de la guerre et de la paix, une des manifestations de la redoutable Kali,
le Temps, qui détruit le mal et l'ignorance…
Pour les orientaux, hindouistes et bouddhistes, les grands combattants de Dieu sont donc des combattantes. Une fois vaincus, les ennemis restent d'ailleurs entre des mains féminines, puisque c'est Tārā, maîtresse des renaissances et de l'accomplissement spirituel, qui les conduira sur le chemin de la rédemption.
Comme quoi, sur la terre comme au ciel, c'est bien les femmes qui font tout le boulot !
Dominikos écrit:
au mieux c’est une invitation au calme, au respect , au recueillement face au Grand Mystère qui nous est proposé. Sans doute parce que nos monothéismes ont la plus grande réserve face aux représentions trop féminines pas assez strictes envers « l’idéologie ».
La misogynie des religions n'est en fait que le reflet des sociétés où elles sont apparues. Le LU nous rappelle comment s'est produite la dégradation du statut des femmes :
84:2.2 ( 932.8 ) La famille primitive, naissant du lien de sang biologique instinctif entre la mère et l’enfant, était inévitablement un matriarcat, et de nombreuses tribus conservèrent longtemps cet arrangement.
84:2.6 (933.4) Avec la disparition des mœurs des chasseurs, quand l’élevage donna à l’homme le contrôle de la principale source de nourriture, le matriarcat prit rapidement fin.
84:3.2 (934.1) Le peu de courtoisie témoigné aux femmes durant l’ère de l’Ancien Testament est un vrai reflet des mœurs des gardiens de troupeaux. Les patriarches hébreux étaient tous des gardiens de troupeaux, ainsi qu’en témoigne l’adage : « Le Seigneur est mon berger. »
Ces religions de gardiens de troupeaux ont donc finit par supplanter les anciens rites d'Europe et du Moyen-Orient. Mais le christianisme n'a pas totalement aboli la figure féminine dans la religion. L'évangélisation, en effet, n'a pu se faire qu'au prix de sérieuses concessions aux traditions païennes. Ainsi la vénération pour les divinités maternelles, notamment la version hellénisée d'Isis, célébrée dans tout l'Empire Romain et souvent représentée allaitant un enfant, s'est-elle en fait maintenue, la déesse étant simplement remplacée par Marie. C'est l'origine du statut divin conféré à la mère de Jésus, peu conforme à l'enseignement des évangiles, mais finalement fidèle à une certaine réalité céleste.
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Dominikos écrit:
L’art sacré n’est-il pas une forme d’art thérapie pour l’adulte qui vient y rechercher la paix, l’apaisement de ces blessures, le renouvellement de son espoir meurtri ?
Rien que de voir des belles déesses comme ça, c'est sûr, on se sent ragaillardi…
Sources :
1. Mère des dieux - Déesse mère - Imago Mundi
2. L'expression « Femme de la montagne » prend tout son sens lorsque l'on sait que, dans toutes les cultures, la montagne symbolise le centre du monde, l'origine de la réalité. Voir par ex. Brigitte Bourdon, « le symbolisme de la montagne ».
3. Devi - Ancien History Encyclopedia
4. Safa Saliéti, « La Shakti dans l'hindouisme », Potomitan
5. Sarasvati, divinité hindoue - Universalis.fr
6. La déesse Maât, la maât - Osirisnet
7. Dourgâ - Academic.com
8. Vincent Tam Tinh Tran, Yvette Labrecque, « Isis Lactans: Corpus des Monuments Gréco-Romains D'Isis Allaitant Harpocrate »